L'auteur

Le retour aux entreprises et aux règles du marché

La pandémie et les politiques qui ont été mises en œuvre pour limiter le nombre de décès auront fortement fragilisé nos économies. Les prévisions de croissance pour les semestres à venir sont sombres. Il importe donc de prendre au plus vite les bonnes décisions pour amorcer dans les meilleurs conditions la sortie (que nous espérons prochaine) de cette crise sanitaire. Les propositions pour l'après-crise commencent d'ailleurs à fuser de toute part, mais elles sont trop souvent fondées sur de mauvaises analyses, elles-mêmes issues d'une mauvaise compréhension du fonctionnement de l'État, du marché et de la société civile.Si nous voulons repartir sur de bonnes bases et retrouver au plus vite une économie forte, il est essentiel de comprendre les ressorts de la dynamique économique, et en particulier le rôle que sont appelés à jouer les entrepreneurs.

L'État à la baguette : des propositions mal inspirées

Il y a un réflexe déplorable chez beaucoup de nos concitoyens qui consiste à penser qu'une chose importante ne peut pas être " laissée au marché " - et encore moins à la société civile - et doit être confiée à l'État. Et ce préjugé est entretenu par des références constantes à l'univers sans cœur de la finance. Pour finir de convaincre les sceptiques que c'est bien à l'État de prendre les rênes de l'économie pour sortir de la crise, on mobilise volontiers une lecture assez simpliste de l'histoire: n'est-ce pas Roosevelt qui grâce au New Deal aurait sorti les États-Unis d'une terrible récession ? Le Plan Marshall n'aurait-il pas permis une reconstruction rapide des économies ravagées par la guerre ? Tout cela est faux bien entendu :par sa " refondation " Roosevelt n'a fait que plonger son pays un peu plus dans la crise et le Plan Marshall n'explique en rien le redressement économique formidable de l'Allemagne d'après-guerre. Mais qu'importe la vérité, il faut que l'État agisse.

D'autres voix, plus habiles, affirment qu'il est hors de question de se passer totalement du marché mais qu'un plan d'envergure est néanmoins nécessaire pour " relancer " l'économie. Et une légion de grands connaisseurs se lève alors pour rejoindre le chœur des amis de la relance et entonner le chant célèbre du" double-dividende ". L'idée du double-dividende est de faire d'une pierre deux coups : relancer l'économie tout en sauvant l'environnement, ou en achevant la transition énergétique, ou en construisant un paradis vert, ou en refondant l'éducation nationale afin de devenir les leaders ou les champions de la connaissance, etc. N'est-ce pas génial !Et à ceux qui osent dire que les caisses de l'État sont vides on rétorquera que l'idée de " caisse " est d'un autre temps.

Une bonne solution doit prendre en compte le problème de la connaissance

Ces plans de sortie de crise ne manquent pas d'ambition, mais il manque cruellement de raison. Pour être raisonnable - et donc pour avoir des chances de succès - un programme d'après crise doit être fondé sur une bonne compréhension du fonctionnement de l'économie. Et cela commence par la prise de conscience du fait que le cœur du problème économique est la question de la connaissance : pour bien gérer et pour progresser il faut un savoir approprié, et pas simplement de l'imagination. Mais comment donc obtenir la connaissance nécessaire pour faire un choix raisonnable sur la sortie de crise ?

La clé réside dans le fait que le savoir est multiforme. Les économistes savent cela depuis fort longtemps et Jean-Baptiste Say l'a fort bien expliqué et il y a fort longtemps. Il a distingué le savoir du savant du savoir-faire de l'ouvrier et du savoir de l'entrepreneur. Certes, il faut des experts - et malheureusement notre pays a souvent bien peu de respect pour l'expert ; toutes les opinions se valent ! Certes, le savoir-faire de l'ouvrier est un capital précieux. Mais tout cela est bien peu productif si l'on n'a pas le savoir des entrepreneurs qui consiste à identifier la meilleure façon d'utiliser les autres savoirs pour satisfaire les besoins les plus utiles pour la communauté.

L'entrepreneur est pour cette raison le rouage indispensable d'une économie. Ce ne sont pas les experts ni les politiques, aussi diplômés soient-ils, qui depuis leurs bureaux ministériels ou le QG des partis sauront prendre les décisions pratiques qui permettront à notre économie de retrouver son souffle. Ce sont les centaines et milliers d'entrepreneurs qui, avec leur connaissance du terrain et leur expérience, sauront trouver la meilleure façon d'utiliser notre temps, nos talents et notre capital.

Cette réalité n'est pas nouvelle : tous ceux qui se sont penchés sérieusement sur la dynamique du développement économique l'ont constaté. Le développement passe par la division du travail qui entraîne avec elle la spécialisation et la progrès des connaissances qui permet à son tour un accroissement de la productivité. Mais il est essentiel de noter que ce progrès des connaissances se fait d'une façon bien particulière : c'est parce que chacun pousse dans son domaine d'activité ses connaissances que nous devenons tous, collectivement en quelque sorte, plus savants. Et cela bien entendu appelle à une certaine humilité.

Le marché ne fonctionne bien que si l'on ne brouille pas les signaux prix, profits et pertes

Beaucoup connaissent la fameuse métaphore d'Adam Smith : dans une société libre, chacun poursuit son intérêt personnel, utilise son capital et ses connaissances de la manière qui lui semble la plus appropriée, et le résultat final est l'opulence générale, comme si une " main invisible " guidait les intérêts personnels vers le bien commun. Cette main invisible déclenche immanquablement un sourire narquois sur les visages de ceux qui ne cherchent pas à comprendre et préfèrent en conséquence la main visible de l'État à cette prétendue main invisible des coopérations spontanées.

Pourtant, en observant attentivement la façon dont les actions individuelles se coordonnent sur les marchés, le mystère de la main invisible se dissipe rapidement. Il y a en effet des signaux qui guident les intérêts de chacun vers l'intérêt des autres, et ces signaux sont bien connus : ils ont pour nom les prix, les pertes et les profits. Ce sont eux qui orientent les entrepreneurs vers les activités les plus utiles pour la communauté. Comment le savons-nous ? Parce que dans un système de libertés ce sont les individus eux-mêmes qui s'expriment. C'est la démocratie directe parfaite en quelque sorte ! Un secteur de l'économie souffre-t-il d'une pénurie inquiétante ? Les prix dans ce secteur vont monter, les profits pour ceux qui y interviennent vont être plus conséquents et cela va attirer des énergies et des capitaux de telle sorte que la pénurie aura bientôt disparu. Si, au contraire, dans un élan généreux de " solidarité ", le gouvernement décide de bloquer les prix, ou a d'ores et déjà ponctionner par sa dette tous les capitaux privés disponibles, alors la pénurie va perdurer.

Entendons-nous bien : une société de personnes libres de choisir l'usage qu'elles feront de leurs biens et de leur temps et qui portent la responsabilité de leurs choix ne résout pas immédiatement tous les problèmes - et sans doute pour cette raison avons-nous besoin d'un État fort dans les missions précises qui sont les siennes - mais elle permet une utilisation des connaissances infiniment supérieure à ce qui pourrait sortir des cerveaux de quelques génies auto-proclamés qui ne portent pas la responsabilité de leurs choix.

Les changements à mettre en œuvre au plus vite

Une fois correctement identifiées les clés qui nous permettront de retrouver et de dépasser rapidement les niveaux de prospérité que nous avions avant que ce virus ne s'abatte sur nous, la conduite à suivre est relativement simple. En voici les grands traits :

  • Il faut rejeter les plans absurdes de relance. Gardons-nous de croire à " l'économie du Père Noël ". Laissons ce dernier habiter les rêves des petits enfants. Pour les adultes il n'y a pas de grande fabrique de jouets cachée quelque part dans le grand Nord ou à Frankfort.
  • Il faut résister aux lobbys et aux organisations qui ne manqueront pas d'approcher nos gouvernants afin que leurs soient remis les milliards qui, à les en croire, vont permettre de faire bouillir la marmite dans tous les foyers.
  • Il faut redonner la main aux individus ; libérer l'esprit d'entreprise qui n'est pas réservé à une élite mais est une composante essentielle de toute personnalité.
  • Il faut surtout impérativement se garder de brouiller les signaux prix, profits, pertes sans lesquelles une économie est déboussolée. Arrêter au plus vite " d'injecter " des millions ici et là, de subventionner, de taxer, d'imposer, de réguler, de " sauver ", de nationaliser, de plafonner, etc.

Enfin, si la route tracée par ce programme est la bonne (et elle l'est!) pourquoi s'arrêter en chemin ?Nous avons abordé cette crise avec une économie fragile et la difficile gestion de la crise sanitaire nous a donné les preuves de cette fragilité économique. Ces fragilités, nous en connaissons la cause : le désir permanent de tout vouloir gérer de façon centralisée, de tout vouloir réglementer, réguler, harmoniser. On a refusé de croire en l'initiative privée pour trouver des solutions à nos problèmes. On a préféré s'en remettre à quelques commissions gouvernementales plutôt que de s'en remettre à la créativité des entrepreneurs et au bon sens des clients et des consommateurs. Erreur, une fois encore, sur la nature des connaissances ! Oui, la santé, les retraites, l'éducation, l'agriculture, l'environnement sont des secteurs vitaux. Et c'est précisément pourquoi nous avons besoin, là plus qu'ailleurs, des connaissances que seul un système décentralisé construit sur la liberté d'expérimenter peut fournir. Le retour à la prospérité sera d'autant plus rapide que nous aurons le courage de réintroduire dans ces domaines l'esprit d'entreprise et les signaux nécessaires à son bon fonctionnement.

Comment venir en aide aux entreprises et aux travailleurs durement frappés par la crise ?

Nous l'avons rappelé plus haut : les pertes, les faillites, les pertes d'emploi, font partie de la dynamique économique. Elles signalent que tel secteur n'est plus porteur, ou que telle entreprise a été mal gérée. Elles sont les conséquences inéluctables du changement, du progrès. Il faut savoir accepter ces ajustements souvent douloureux pour certains.

Mais la crise du coronavirus a eu pour effet de mettre dans une très grande difficulté des entreprises et des personnes, non pas parce qu'elles étaient mal gérées ou parce que leurs activités sont aujourd'hui dépassées, mais tout simplement parce que nous n'étions plus libres de poursuivre nos activités. Il est évident que ce serait une erreur de laisser ce capital et ces connaissances partir en fumée. C'est pourquoi là où il y a un capital, tant physique qu'humain, les fonds nécessaires pour permettre à ces entreprises de reprendre le cours normal des choses ou à ces personnes de retrouver un emploi ne devraient pas manquer.

Ce sont sans doute les branches locales des banques commerciales et les investisseurs qui sont les mieux à même d'apporter les aides nécessaires à ces entreprises et ces personnes. L'État central, dépourvu du savoir nécessaire, est mal placé pour agir. Qu'il se contente, ainsi que nous l'avons souligné, de faire en sorte que l'épargne et les fonds d'investissement ne soient pas aspirés par des projets pharaoniques et qu'il s'attaque enfin à la réforme d'un secteur public dispendieux et inefficace, ce qui lui permettra d'alléger les charges qui pèsent sur les entrepreneurs et leurs employés.

L'histoire économique a amplement montré que des économies très affectées par des crises, des guerres ou des régimes politiques dictatoriaux ont la capacité de se relancer. Il faut pour cela s'appuyer sur l'initiative des individus. Le rôle de l'État n'est pas de réinventer un monde nouveau mais simplement de gérer les affaires publiques avec rigueur.